CHAPITRE 1

            Dans mon métier, avec le temps, on finit par connaître et fréquenter plus de morts que de vivants. C’est l’évidence. Pas besoin de calcul pour ça. A trois quatre cadavres par jour pendant douze ans, arrive le temps où tout s’efface devant le cimetière.

Le dernier en date se tenait recroquevillé dans un coin de mur en bêton couvert de graffitis, au sixième sous sol du 147 A Xiaolang Passage, un immeuble délabré de Saynone Barheim . 17 ans peut être… pas plus de 20 en tout cas. Il se tenait le ventre à deux mains, dans un désespérant effort pour y maintenir ses tripes. Peine perdue. Celui qui lui avait ouvert le bide savait y faire : cela avait été long et douloureux, et aucun chirurgien aussi doué soit il, n’aurait rien pu y faire. Le gamin était mort bien avant de rendre son dernier souffle. En temps normal, on ne me dérange pas pour des crimes de ce genre. Si je devais me déplacer pour tous les meurtres commis dans Ouang Schock, je passerais mon temps à battre le pavé. Et je ne suis pas payé pour ça.
Je suis commissaire principal de la brigade criminelle de l’OSPD. Je dirige 327 inspecteurs et traite en moyenne chaque année 7 000 meurtres, assassinats, guet-apens, ou règlements de compte. Ouang Schock est une grande ville.

Photo : François Kenesi

CHAPITRE 6

      Je suis entré dans les toilettes. Le type se tenait devant le grand miroir à ajuster les revers de sa veste. Il a détourné son regard une seconde dans ma direction puis a continué à se refaire sa beauté.

J’ai fait deux pas en avant et j’ai frappé de toutes mes forces dans ses reins. Juste à l’endroit ou la colonne s’efface devant les fesses en une courbe concave, une dépression du corps faite exprès pour recevoir mes phalanges. Il a poussé un hurlement et s’est tordu vers l’arrière. Je lui ai collé un coup de pompe dans le train pour le basculer dans l’évier. Sa tête à dinguer sur le miroir avant de rebondir sur le robinet chromé. Il y avait de la bave qui coulait sur la glace.
J’ai attrapé sa tête par les cheveux et les oreilles et je l’ai cogné à plusieurs reprises sur l’émail du lavabo. J’entendais ses dents qui se brisaient une à une, et le cartilage de son pif qui se faisait la malle au fin fond de ses sinus. Il hoquetait à chaque secousse, vomissant autant de sang que de glaires.
Je l’ai balancé sur le sol et lui ai bousillé son foie, sa rate et son estomac à coup de pompes. Je voulais qu’il ait plusieurs semaines de douleurs pour se souvenir de son erreur. Quand il me croisera à nouveau dans les rues, il ne me tournera plus le dos… il se contentera de disparaître.
Je me suis accroupi pour lui attraper la tronche par les cheveux :
- Ecoutes moi bien trou du cul. Je suis Wayne Cassidy. Le commissaire Wayne Cassidy. Ici c’est chez moi et personne ne vient chier sur mes tapis. C’est compris ? Tu vas dire à ton connard de patron que pour cette fois je me contente d’un avertissement. S’il arrive un malheur à Tchombé ou à son bar, je vous trouverai et je vous ferai mal. On me donnera une médaille pour ca. N’oublie pas pauvre con, ici la loi c’est moi.
J’ai fouillé sa veste pour récupérer le pognon puis je l’ai traîné jusqu’à la sortie de secours. Je l’ai laissé la gueule dans le caniveau.




CHAPITRE 7

 

Les Dongzhens faisaient parti du secteur 7. Ce qui fait que l’on connaissait bien le vieux Ho et on l’avait plutôt à la bonne. Dans son genre, il était honnête. Jamais en retard dans ses taxes, jamais un souci avec les touristes et gentil en cadeau pour les anniversaires et les mariages des gars du C7.

Après l’épisode des morceaux de ses trois gars, nous étions venus lui rendre visite dans son quartier général : une ancienne fumerie d’opium sur Enola Street.
Il nous avait reçus dans son bureau au premier étage. Une vaste pièce aux murs rouges couverts de dragons dorés et noirs, et quatre bons mètres de hauteur sous plafond
Nous étions à peine arrivé, qu’il explosait le vieux. Jamais je ne l’avais vu dans un tel état. Ses yeux étaient encore plus noirs qu’à l’accoutumée et il sursautait sur son fauteuil comme une puce sur le cul d’un clébard de course.
- Pour qui se prennent ils ces peignes culs !!! Ces étrangers ! Ici c’est mon domaine, mon fief. Et personne ne touche à un seul cheveu de ma famille. Il faut que vous me les viriez commissaire. A grands coups de latte dans le cul. Et si vous ne le faites pas, je les écraserais comme des cafards ! C’est chez moi ici, et je ne vais pas les laisser me tailler des croupières sans réagir. Alors virez les moi, ou ce sera la guerre.
- Du calme monsieur Ho, du calme. Avant de faire couler le sang vous pourriez peut être essayer de vous entendre avec eux. Après tout, vous avez toujours votre business.
- Mon business !!! Mon business !!! Mais c’est bien de ça dont il s’agit commissaire. Si je commence à baisser mon froc devant des étrangers à la con que croyez-vous qu’il arrivera ? Les arabes, les juifs, les ritals et toute la pourriture de la ville déboulera ici pour se servir. Ils ont tués mes hommes commissaires. Ils les ont découpé et ont envoyé leurs têtes à leur femme. Je suis obligé de réagir. Si je ne fais rien, je risque ma vie et celle de mon clan. Et puis ce sont des chiens d’étrangers, bordel. Ils ne sont pas les maîtres ici. Si vous ne faites rien, je vais les massacrer et je déposerai une pyramide de leur tête au centre de l’Arena.
- La guerre n’est pas une bonne chose monsieur Ho.
- Alors virez-les !
- Ils payent leur taxe rubis sur l’ongle et l’Arena fait de Ouang Schock le premier centre du jeu vidéo au monde. Vous feriez bien de laisser tomber.
Le vieux nous avait jeté un sale œil. Il venait de comprendre que son ancienneté dans la ville n’en faisait pas notre protégé.
- J’ai compris.
Et la guerre a commencé.




CHAPITRE 12

         Certains comparent Ouang Schock à la nouvelle Sodome. Ces connards ne la connaissent qu’au niveau du bitume, et ne voient que les rues rouges de la Beeka avec ses vitrines de putes à 50 Sterlins. Peut être sont ils choqués du reflet d’or des casinos sur le dessus brillant de leurs chaussures cirées ? Peut être se camouflent ils le regard devant les cages de la Street Fight pour ne pas voir les corolles de sang qui giclent sur les premiers rangs ? Peut être ne voient ils que de la pauvreté dans ces abris de cartons qui fleurissent dans les ruelles transversales entre les grands boulevards ? Et pourquoi faudrait-il voir le mal dans le tintement des cymbales d’or qui résonnent dans les sébiles des bandits manchots ? Pourquoi ce flot d’hommes et de femmes pressés de bouffer du cul, de l’or et du veau serait il l’incarnation du mal ?
On devrait traîner ces contempteurs en haut des buildings pour qu’ils y découvrent l’autre visage de Ouang Schock. Celui des jardins d’Amilcar, des terrasses de Babylone. A perte de vue du Nord au Sud le long du Lancang, et d’Est en Ouest sur les flancs des montagnes, ils verraient les jardins des toits de Ouang Schock. Les palmiers et les saules pleureurs des immeubles en bord de rives. Les trembles et les sapins des hauts quartiers. Ils verraient ce vert et ce tendre, ces explosions de couleurs des bosquets de rhododendron, les flammes d’or des acacias, les contorsions serpentines des glycines sur les gouttières. Ils verraient aussi les fermes immeubles qui vomissent leurs fleurs de courgettes, les grappes roses et blanches des arbres fruitiers en fleurs, les vagues de vent qui obscurcissent d’ombre les toits de blés. Depuis trente ans que la loi Kyoto avait été votée, tous les toits de la ville avaient vu pousser les jardins ou les potagers et de nombreuses façades avaient été transformées en rocaille fleurie.
Ils verraient enfin, ces acariâtres râleurs, que Ouang Schock est aussi la plus belle ville du monde lorsque l’on peut se payer un appartement au dernier étage.




CHAPITRE 16

      Je me suis retourné et j’ai vu trois types qui s’écartaient l’un de l’autre en m’observant. Le premier, celui sur ma gauche, avait un rasoir à la main. Le second un câble d’acier de soixante centimètres et le troisième un maousse couteau de chasse. Devant le Candombe, garé juste devant la baie vitrée, il y avait une grosse indu et à la place du mort un type portant une minerve sous une tronche gonflée comme un choux. Je l’ai tout de suite reconnu : nous nous étions croisé ici même dans les chiottes.

J’ai attrapé le bras de Merkel qui a eu un vif mouvement de recul.
- Passe derrière le bar. Ca va saigner.
Elle a regardé vers les hommes et a sorti de son pantalon un tazer de poche.
- Fais pas le con Merkel. Passe derrière le bar.
- Non.
Je n’ai pas insisté et j’ai passé mes poings américains sur mes phalanges. Je ne savais pas comment j’allais me sortir de cette embrouille mais je savais avec certitude qu’au moins un des ces trois gus allait déguster sévère.
Le premier a alors fait une grosse bêtise. Il a parlé.
- Tu vas nous suivre gentiment dehors le gros. Ou alors nous nous en prendrons aussi à ta pouffe et à ton pote.
« When you have to shoot, don’t talk. Shoot »
J’ai toujours adoré cette réplique d’Eli Wallach. Parce qu’elle est drôle. Parce qu’elle est vraie.
Pendant que le trou du cul causait, je me suis rapidement agenouillé, puis j’ai bondi vers lui les deux poings en avant. Il n’a même pas eu le temps de lever le bras qu’il prenait, de bas vers le haut, mes cent dix kilos dans la tronche. Et 110 kilos gantés d’acier aiguisé ça fait un monstre de ravage. Son blair, ses lèvres, ses gencives et ses dents ont volées en éclats dans un geyser de sang. Il est parti vers l’arrière et a défoncé la vitrine. Au moment où je me retournais, j’ai entendu le sifflement zingué du câble électrique de l’autre fumier, avant de sentir mon épaule éclater sous l’impact. Ma veste, mon baudrier et ma chemise ont été coupées nettes comme sous l’effet d’un coup de ciseau. J’ai entendu craquer ma clavicule et j’ai senti le goût du sang. Je me suis jeté sur lui. Il m’a balancé une chaise dans les jambes et a eu le temps de lever son câble une nouvelle fois. S’il me touchait à nouveau, s’en était fini de moi. Je suis passé sous une table et je me suis relevé en l’utilisant comme un bouclier. Le câble à frappé la table, la coupant sur plusieurs dizaines de centimètres. J’ai avancé. Le mec était cuit et il s’en est rendu compte. Il a tenté de décarrer mais je l’ai choppé par le col et lui ai mordu la joue de toutes mes forces. Avec mon épaule droite engourdie, je ne pouvais pas faire autre chose. Je le tenais ferme contre moi avec mon bras gauche, et des dents je lui arrachais la gueule. Il hurlait et se débattait. Mais il pouvait couiner et gesticuler autant qu’il le voulait, je n’avais pas dix ans de cage derrière moi pour rien. Il était à moi et rien qu’à moi. Sortir de mes bras était bien au dessus de toutes ses possibilités. J’avais la peau de sa joue sous ma mâchoire, et je lui mastiquais la gueule. Son sang gisclait dans ma bouche et des bouts de bidoche volaient dans les airs. Il hurlait, me ramponnait les tibias de coups de pompes. Mais bouges ma caille ! T’as aucune chance. Je retrouvais mes sensations d’avant, de celles qui m’avaient valu une visite au psy de l’OSPD. Le vent dans le cerveau, le rouge dans les yeux et le plaisir, la joie fauve, le délire ardent du massacre. J’allais le crever ce porc, le saigner avec méchanceté. Il n’aurait pas trop de temps de toute l’éternité pour hurler sa douleur. Pourri, salope ! Je révais d’avoir mon autre bras de libre pour lui écraser la gueule à coup de poing. Pour lui détruire le corps et le visage. Mon cerveau brillait de haine et de joie. J’ai quand même entendu le cri de Merkel et la décharge de son tazer qui partait. J’ai relâché ma proie et lui ai foutu un coup de pompe entre les jambes avant de me retourner. Tchombé matraquait le troisième gus qui tremblait sur le sol. Séché par le tazer. Merkel se tenait le bras gauche dont la chemise déchirée se couvrait de sang. J’ai eu une seconde d’hésitation, puis je me suis dit que j’avais tout mon temps pour retrouver le guignol dans son indu et je me suis précipité vers elle. Elle avait le bras ouvert sur cinq ou six centimètres. Elle avait le visage blanc comme un linge et les narines grandes ouvertes comme les naseaux d’un cheval énervé.

CHAPITRE 18

  Beeka c’est le quartier où ceux qui ont tout perdu dans les casinos du Smith peuvent espérer se refaire en misant une part d’eux même. Tous les enjeux sont permis ici bas. J’ai vu des hommes et des femmes perdre un œil, un rein, voir pire encore sur un coup de dés ou une partie d’écarté.

J’ai vu des putains abattre des journées de cinquante à soixante clients, des putains devenir riches à millions, des putains battues à mort par leur mac qui leur reprochaient de mal sucer le client. J’ai vu des hommes broyés dans des containers à ordures parce qu’ils n’avaient pas compris qu’une dette de jeu ne dure que 24 heures, j’ai vu des hommes prêt à vendre leurs enfants pour une dose, j’ai vu des hommes qui acceptaient ce paiement.
De nuit, les néons brillent si fort et si rouge, que les rues se couvrent d’un sang électrique qui colle aux semelles. Il y a des vitrines humaines, des vitrines de bouffe, de matériel informatique, de vêtements, de meubles… avec des hommes et des femmes endormis sur chaque fauteuil, chaque canapé, chaque matelas de démonstration. Il y a les odeurs des kebabs, les parfums des ramens , le cliquetis crissant des carapaces d’étrilles que l’on broie avant de les griller à la flamme de gaz, la molle ondulation des soupes de méduses… J’aime les effluves de tabac, les remugles d’égouts qui vomissent le purin de cette jungle.
J’ai plongé dans ce maelstrom de vie grouillante. Montant dans des fumeries d’opium au quinzième étage du 112 Billabong, m’enfouissant dans des latex club au sixième sous sol du 22A Guomindang road, j’ai éclusé des bars entiers, vidant Sark sur Sark, mélangeant l’éther et les pilules d’amphétamines. Je vivais à nouveau.
Il y avait toujours cette même odeur, faite de peur, de sperme obscur, de tabac tiède, de sueur rance, et surtout ce parfum d’excitation de la nuit ouverte. J’entrais dans des caves où le sursaut lourd et hurlant de la grosse caisse aspirait le cœur en un battement synthétique. Des corps gesticulants dans des nuages de fumées blanches, les rayons verts et bleus des lasers, des camés écroulés sur les pissotières noires et blanches des backroom. Des rires, des chuchotements, des mains sur le corps. La nuit souterraine lâchait ses créatures à peine ébauchées, où un mot vaut une promesse, une caresse un souvenir érotique. Chaque marche descendue rapprochait de l’enfer et du paradis.
Je traversais des places couvertes de tentes éclairées de flambeaux, beige et tabac, des buffets tendus de blanc sur lesquels cent bouches affamées se ruaient sous une musique arabe. Je forçais des appartements où des grouillements de salarymen chantaient la joie et le malheur du monde devant des écrans karaokés, en engloutissant des brasseries entières. Je marchais sur des fêtards épuisés de drogues et de lucre, je bousculais des files de pied de grue devant des boîtes aux portes closes.
C’était ma nuit. La grande, la belle. Celle qui braille et qui gueule.
À boire, à boire !!!
Je veux ma dose d’hérésie, ma dose d’ambroisie !
Réveille nos âmes mortes et nos passions éteintes.
Grace soit faite au ciel électrique qui nous protège de l’obscurité.
Je marchais dans cette nuit, de sous-sols en terrasses, de plain-pied en lointains étages. Et partout, j’ouvrais des portes closes à coups de pieds, fermais des bouches trop souriantes avec mes poings, renversais des tables, des tabourets et des vidéo-box. Je bousculais tout ce qui se dressait devant moi. Je déchaînais la peur et la souffrance ! L’ange exterminateur ! J’étais la loi !
Certains, déjà roués et bien connus de mes services, me choyaient, excusaient mes coups et le sang coulant du front de leurs clients. Des tonnes d’hypocrisie pour ne pas gâcher leur commerce de nuit : « Encore un verre, commissaire ! »
Et moi je prenais tout et ne rendais rien. Seuls des aboiements de bête fauve. Le phosphore blanc, bordel ! Le phosphore blanc ! Qui l’a vendu ?
« Encore un fix, commissaire ! »
Qui, connard à pattes, qui m’a tué mes petits boosters ?
« Encore une dose, commissaire ! »
J’avais mes poings américains. Mon tuyau de plomb et mon Taurus Raging Bull . Et surtout, dix ans de cage derrière moi…
Je voyais les couloirs tanguer et les murs onduler. Je défonçais les comptoirs.
Parfois, dans l’obscurité d’un coin de mur, dans le lent voyage d’un escalier, je croisais mes inspecteurs.
« Ça va, commissaire ? »
Les jointures des poings étoilées.
« On n’a pas encore trouvé les salauds qui vous ont amochés, mais on va y arriver. »
Les cravates défaites.
« On vous offre un verre, commissaire. »
Le sang goutant de leurs sticks.
« Vous n’obtiendrez plus rien ici, commissaire, avec ce qu’on leur a mis, ils n’ont plus rien à cracher. »
Le sourire aux lèvres.
« Vous voulez qu’on vous accompagne, commissaire ? »
La sueur en arc-en-ciel sous les bras de chemises.
« Y ne savent plus quoi baratiner, ces pédés, commissaire. C’est le troisième qui me balance Mentor. »
À moi aussi, dans ma furie, on me lançait le nom de Braban Mentor. Mais ça ne tenait pas debout, bordel ! Braban ne pouvait pas travailler contre Quinte !
Je hurlais dans les cris des teuffers, dans les bronches des dormeurs, dans l’opacité des murs de fumées : « Retournez-moi Beeka de la cave au grenier, mes chiens ! Faites les suer de peur et de douleur ! Ni pitié, ni compréhension ! À la schlague les réponses ! À la schlague ! ».
On a déboulé sur les pistes en terre des combats de coqs, bouffé leurs plumes et arraché leurs ergots, on a ravagé les books dans les caves sous les égouts, balancé les plateaux verts et les mises. Pire que Gengis Khan.
On ravageait la fange, on touillait la grande merde des bas-fonds. Hardis les hommes, hardis ! Faites rendre gorge à la vermine ! Qu’ils crachent leurs dents et leurs secrets ! Nous sommes la loi et nous exigeons de tout savoir.
Pour nous calmer, des patrons de boîtes nous couvraient de bouteilles, nous offraient des filles, des hommes, des chiens… pour l’amour du ciel et notre départ, ils nous recouvraient d’or. Mais macache, mes drôles. Donnez-moi un nom, et je m’évanouis dans la nuit de vos cauchemars.
« Braban Mentor ! Braban Mentor ! Braban Mentor ! »
Partout, dans chaque cul de basse-fosse, dans chaque rivière de lit, sous les galetas crasseux des marchands de sommeil, entre les cuisses humides et moites des putes à vingt sacs, dans l’obscur rectum des pédés rempli de foutre, ce nom revenait.
Le phosphore, c’était lui !
Les gamins, c’était lui !
Et nous matraquions de plus belle. Faisant craquer les mâchoires. Pulvérisant les pommettes. Détruisant les arcades. Le sang giclait sous nos pieds et dans nos verres de Vat 77, des étoiles rouges se déployaient.
La lune absente gagnait doucement son antre de jour, mais la nuit profonde et souterraine de Ouang ne finissait pas. Tant que nous ne l’aurions pas décidé, nous étions les ténèbres.
À coups de pompes nous faisions bouler les clients dans les escaliers. Des miroirs jusqu’au plafond dans les boîtes à partouze ont volés sous les tabourets.
Quelle belle nuit.






CHAPITRE 20

      Je me suis arrêté et j’ai regardé la silhouette fine et longue de Merkel se rapprocher de la petite grosse. Et j’ai repéré les deux hommes qui avançaient eux aussi vers la fille. Au moment où j’allais crier à Merkel de faire attention, le premier des deux s’est élancé. Il a bousculé la boulotte qui a hurlé mais n’est pas tombée. Il a essayé de lui arracher sa sacoche, mais cette conne s’est défendue et a braillé comme un goret qu’on égorge. Le gars la secouait et lui mettait des pains dans la gueule mais elle résistait la gamine. Elle y tenait à son ordinateur. Les gens s’écartaient en regardant mais pas un ne faisait mine de lui venir en aide. Merkel a sorti son arme. Mes deux gros poulets ont enfin réagit. Ils venaient à peine de se mettre en marche, que le second malfrat est entré dans la danse. Il a couru vers son complice avec un flingue à la main. J’ai gueulé de toutes mes forces et me suis précipité… je ne savais pas s’il je devais aider la gamine ou protéger Merkel. J’avais mon Taurus Raging Bull en pogne, quand le second est arrivé à hauteur de son pote et de la fille. Il a collé le canon du flingue sur le front de la gamine, et j’ai entendu le bruit métallique et profond de la détonation. Elle s’est écroulée comme une vieille robe tombe des épaules d’une pute fatiguée.
Les deux patrouilleurs ont alors sortis leurs flingues, mais ils étaient si patauds mes pachydermes qu’ils se sont fait criblé avant même d’avoir pu comprendre ce qui leur arrivait. Le premier à prit dans le gras du bide. Le second dans le cou.
Les malfrats ont attrapés la sacoche et ont commencé à s’éloigner en courant. J’ai eu le premier dans les reins. Ma balle l’a frappé, il a bondit en avant et a roulé au sol. Le second a répliqué et les balles se sont mises à partir dans tous les sens. Un des patrouilleur au sol tirait sans savoir sur qui ni pourquoi. Les gens hurlaient, couraient de droite et de gauche. Les plus malins se planquaient derrière les industrores. Le jeune serveur regardait avec tristesse le trou rouge qu’il avait au milieu de son tablier immaculé.